
Vertus du localisme et de l’éducation au grand air, défense de la nature et du monde agricole… : des groupes réactionnaires, voire carrément d’extrême droite s’emparent de plus en plus souvent de thématiques qu’on imagine a priori plutôt écolos. En septembre dernier, le porte-parole de Génération Identitaire sortait ainsi de sa manche le concept de « Zones identitaires à défendre », des campagnes « recolonisées » par les Français « de souche » pour défendre la « civilisation européenne » dans la guerre civile qui vient.
Les ZID de Génération identitaire ne sont hélas ni un phénomène isolé, ni une nouveauté. Voilà un bon moment que des groupes liés à l'extrême droite identitaire appellent à repeupler les campagnes pour y « défendre les terroirs ». Le projet le plus abouti du lot est sans doute la « ferme nationaliste » La Desouchière, créée dans la Nièvre en 2009, qui se présentait comme un projet d’artisans et de cultivateurs bios, et servait en réalité de point de ralliement à de nombreuses composantes de la mouvance identitaire. Ce nom de mauvais goût (évoquant les Français « de souche ») a été rapidement abandonné au profit d’un branding plus discret : le lieu est resté actif jusqu’en 2021 sous le nom de « La maison des Elfes » (pour «Européens, Libres, Fiers, Enracinés et Solidaires»), en convoquant une imagerie mêlant chevalerie et antiquité. Mais les idées étaient les mêmes.

Encore plus flippant : dans l’Hérault, dans le petit village de La Salvetat-sur-Agout, des identitaires tendance survivalistes / paranoïaques se sont regroupés au sein de la « Communauté de la Rose et de l’Épée » depuis 2015, comme le racontait Pierre Plottu dans Slate en 2020. Leur gourou, Joël Labruyère, est dans le viseur de la Miviludes depuis longtemps, notamment suite à la mort d'une de ses adeptes faute de soins médicaux, en 2011. La communauté avait atteint une certaine renommée dans les cercles d'extrême droite pour son groupe de folk identitaire les Brigandes, au point d'attirer l'attention des médias et de susciter des manifestations dans le village. Les Brigandes ont fini par annoncer leur dissolution en 2021, et la communauté a décidé de faire profil bas pour s’éviter de nouveaux ennuis, mais elle existe toujours. Joël Labruyère n’apparaît plus guère que dans des médias pro-russes.

On peut enfin citer une frange écolo de la Manif pour tous : comme le racontait Simon Troncy dans un article pour StreetPress en 2022, plusieurs couples se sont implantées en depuis 2016 à La Bénisson-Dieu, dans la Loire, pour y vivre l’écologie intégrale et protéger leur famille de la destruction que n'allait pas manquer de provoquer le mariage gay. Parmi eux, on trouvait les créateurs de la revue d’écologie intégrale « Limite », qui tentait le grand écart entre catholicisme traditionaliste et écologie radicale. Depuis l’arrêt de la publication de Limite en octobre 2022, il semble que ce soit plutôt leurs convictions violemment réactionnaires qui aient pris le dessus.
Dans tous les cas, la prochaine fois que vous aurez envie de tout plaquer pour partir vivre à la campagne, c'est peut-être pas une mauvaise idée de demander discrètement à vos futurs voisins ce qu'ils pensent des droits des trans ou de l’immigration avant d’acheter la grange d’à côté sur un coup de tête.